Résumé :
En 2005, l’artiste Ludovic Chemarin décide de mettre fin à sa jeune et prometteuse carrière artistique, afin de changer de vie, de passer à autre chose.
En 2011, deux artistes, Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux décident de réactiver la production de Ludovic Chemarin et de prolonger sa carrière artistique. Damien Beguet achète alors contractuellement à Ludovic Chemarin l’intégralité de son œuvre dont il cède 50% des droits patrimoniaux à P. Nicolas Ledoux le jour même. En parallèle, Ludovic Chemarin dépose à l’INPI son nom comme marque : Ludovic Chemarin©, qu’il revend immédiatement aux deux artistes.En 2014, ils demandent à Ludovic Chemarin de poser pour la réalisation du portait officiel de Ludovic Chemarin© et, en 2015, de produire un dessin avec sa signature pour seul motif. Ils en acquièrent ensuite par contrat de cession les droits de représentation, de reproduction et d’adaptation ; l’exploitation de sa signature devient possible.
Depuis 2011 Beguet et Ledoux produisent des œuvres sous le nom de Ludovic Chemarin© : contrats, documentations performatives, activations ou augmentations des productions de Ludovic Chemarin ainsi que de nouvelles créations. Ils répondent à des invitations pour des conférences et des expositions en France et à l’étranger. Les deux artistes abordent avec leurs outils conceptuels, juridiques et formels le thème douloureux et très peu traité de la faillite artistique – la faillite de l’artiste – mais aussi de son éventuel salut par le rachat ou une forme de recapitalisation financière et artistique. Il est question de recontextualiser la matière artistique de Ludovic Chemarin dans le champ de l’art contemporain, de la manipuler en formulant de nouveaux protocoles et de nouvelles médiations.
Beguet et Ledoux instaurent ainsi un nouveau rapport de force et attisent la spéculation sur l’avenir du travail de Ludovic Chemarin – aussi incertaine que passionnante. Ils imaginent des dispositifs opérationnels dans le but d’intégrer le système de l’art et l’actualité culturelle dont ils dénoncent les limites, le devenir spectacle, l’archaïsme et la logique économique et financière dont l’artiste est le plus souvent exclu.
Total Recall
Ci-dessous un extrait de la biographie officielle de Ludovic Chemarin© : Total Recall,
régulièrement mise à jour et présentée dans le cadre d’expositions
(voir dans la rubrique œuvre).
À chaque exposition est prélevée une version éditée dont au nom Total Recall
est ajouté le nombre de signes.
Par exemple :
Total Recall, 47 440 signes (espaces compris), mars 2018
L’intégralité du texte : Ludovic Chemarin© Total Recall, 112 398 signes (espaces compris). 27/01/2010 – 22/01/2022 – Biographie – est publié en 2023 chez Manuela Édition
Mercredi 27 janvier 2010
Dans la soirée, à Paris, les réflexions croisées des artistes Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux les amènent à prendre une décision qui engage leur collaboration sur une voie inattendue : ils vont acheter un artiste. Certainement pas l’être humain, homme libre dans un monde libre, mais ses attributs d’artiste. Quels sont-ils ? Ont-ils une valeur d’échange ? Que peut-on en faire ? Ces questions appellent des réponses qui suscitent d’autres questions tout aussi fondamentales que complexes ; face à ces défis, Beguet et Ledoux choisissent le droit comme clé de lecture, d’interprétation et d’action, le droit français et lui seul. L’équation est posée ; reste à la résoudre.
Les semaines suivantes sont consacrées à l’étude du code de la propriété intellectuelle, la consultation de professionnels et d’experts dans le domaine juridique, la recherche d’éventuelles traces d’une expérience similaire dans l’histoire de l’art, et la confrontation des idées jaillies de cette effervescence.
Parallèlement s’affine le profil de l’artiste prospecté : vivant, avec une carrière derrière lui, une œuvre riche et estimée par les acteurs du monde de l’art contemporain, et en mesure de comprendre la démarche ainsi que d’assumer la cession et ses conséquences.
Jeudi 29 avril 2010
Damien et Nicolas se rendent au vernissage de la biennale d’art contemporain de Rennes. Dans le TGV, le rachat d’un artiste monopolise la conversation. Mais qui, et où le trouver ? Et≈acceptera-t-il ? Les démissionnaires approchés n’assument pas leur disparition de la scène artistique ; ils ont tous refusé. Puis un nom surgit dans le débat : Chemarin. Ludovic Chemarin est un artiste qui, en 2005, a décidé de mettre fin à sa carrière en envoyant un simple mail aux personnes présentes dans son fichier d’adresses : « J’arrête ». Le hasard veut que ce même jour les deux artistes rencontrent au vernissage de cette même biennale Ludovic Chemarin, en simple visiteur curieux de l’actualité des arts et en prospect qui s’ignore. L’histoire aurait pu s’arrêter là si Ludovic avait refusé la proposition. Mais Ludovic accepta.
Tout reste alors à formaliser : le concept et la forme du projet artistique, l’appareil juridique qui le structure, etc. L’inventaire de la production de Ludovic Chemarin est une priorité. Malheureusement les archives sont éparses et beaucoup ont disparues. Un catalogue iconographique se constitue sur la base des 26 œuvres identifiées, principalement des sculptures et des installations. L’artiste prochainement acquis sera mis sur le marché sous le nom de Ludovic Chemarin© (LC©).
Mercredi 16 juin 2010
La fabrication de Ludovic Chemarin©, au sens technique du terme, est lancée, avec un horizon d’achèvement au mois d’octobre. Après de nombreux échanges entre Paris et Lyon, il est temps pour Damien et Nicolas de faire le point. Il en résulte un plan d’action qui comprend les entrées suivantes :
écrire un texte de présentation du projet, valider et faire valider tous les éléments juridiques, réaliser un site web, ouvrir un compte Facebook, ritualiser la signature des contrats (lieu, personnes, procédure), prospecter un espace d’art contemporain pour accueillir la première exposition personnelle de LC©.
L’espace d’art contemporain voit sa case cochée en premier : La BF15 à Lyon hébergera la première exposition personnelle de Ludovic Chemarin©. Reste à mettre en place une méthodologie de travail ; la répartition des tâches doit tenir compte de l’appétence et de la compétence de chacun, et sans que la couverture soit tirée vers l’un ou l’autre en raison de ses responsabilités – ce dont les deux artistes sont convenus.
Samedi 22 janvier 2011
Fin de matinée chez l’agent d’art Ghislain Mollet-Viéville, les premiers invités arrivent. Consulté dans la phase préparatoire de l’entreprise, Ghislain a accepté de mettre à disposition son bureau-appartement de l’avenue Ledru-Rollin dans le 12e arrondissement de Paris, pour la signature des contrats de cession des droits patrimoniaux de Ludovic Chemarin. Ils attendent leurs paraphes, rassemblés sous la forme de cahiers et dupliqués en sept exemplaires.
Ludovic Chemarin est là, sobrement habillé de gris avec une écharpe ton sur ton. Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux ont soigné les moindres détails de la cérémonie. Chaque invité se présente, garant de ce moment formel et solennel : Caroline Cros (conservatrice du patrimoine, Inspectrice de la création artistique au ministère de la Culture et de la Communication), Perrine Lacroix (artiste plasticienne et directrice de La BF15 à Lyon), Ghislain Mollet-Viéville (agent d’art, critique d’art et expert honoraire près la Cour d’appel de Paris). Jacques Salomon (collectionneur d’art contemporain) est le dernier témoin appelé, mais ne pouvant être présent ce jour-là, il signera plus tard chaque cahier de contrats. Plus qu’un collectionneur, Jacques Salomon est un fidèle soutien de Ludovic Chemarin© et l’un de ses meilleurs ambassadeurs.
Après une introduction précisant la nature du projet, la cession peut commencer. Dans un premier temps Ludovic Chemarin cède les droits patrimoniaux de 26 œuvres à Damien Beguet puis Damien Beguet cède immédiatement 50% de ces droits à P. Nicolas Ledoux. Ludovic Chemarin cède également aux deux artistes son nom qu’il a préalablement déposé sous la forme d’une marque à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) : Ludovic Chemarin©. Les témoins clôturent la cérémonie en signant la dernière page de chaque cahier. Ludovic, Damien, Nicolas et Ghislain conservent un exemplaire de la série des contrats et les trois restants sont réservés à la vente.
Damien et Nicolas invitent ensuite Ludovic au restaurant pour conclure l’opération sur un moment convivial et détendu.
Mercredi 30 mars 2011
Le soleil traverse les grandes baies vitrées de La BF15 : c’est un beau jour pour inaugurer Ludovic Chemarin©, la première exposition personnelle de Ludovic Chemarin©. L’équipe de La BF15 est prête, Damien et Nicolas sont là pour répondre aux multiples questions des visiteurs : le vernissage peut commencer. Ludovic est ailleurs et laisse aux deux artistes entrepreneurs le soin de défendre leurs positions ; il ne tient pas à devoir se justifier. Lyon est la ville où il a fait ses études, à l’École nationale des beaux-arts, et où il a développé son travail artistique. Il vit maintenant à Lausanne, en Suisse, où il réalise les décors d’un court-métrage d’animation. Il visitera l’exposition quelques semaines plus tard.
La BF15 est un très beau lieu : trois salles, des murs blancs percés de quelques pierres de taille, témoignage discret du bâti du XIXe siècle. En face de l’entrée, une barque imposante, construite avec des cagettes récupérées sur les marchés, et issue des collections publiques lyonnaises : Ludovic l’a produite en 2004. À l’époque son installation était différente. Celle d’aujourd’hui recycle les codes « curatoriaux » en vigueur : par exemple le socle orange de la barque utilise la couleur RAL du carton d’invitation. À gauche de l’entrée figure le logo de l’artiste et à droite, une œuvre réactivée, JE SUIS UN RÊVE, typographiée par une multitude de petits pétards brûlés – une variante de l’œuvre originale J’AI FAIT UN RÊVE.
Un entretien de Damien et Nicolas avec Perrine Lacroix, directrice de La BF15, est affiché sur un mur ; il livre au visiteur les clés du projet. Dans la deuxième salle, une grande table-vitrine présente la série des contrats de cession et trois petites sculptures en résine, répliques en prototypage rapide (par imprimante 3D) de l’œuvre de Ludovic Lance-missile désormais intitulée Lance-missile de collection. Dans la troisième et dernière salle est accrochée au mur la réplique d’un missile enchâssée dans un flight-case d’usage courant dans le milieu du spectacle (collection de la Ville de Francheville). Cette réplique a été produite avec des matériaux de récupération. À gauche est collée sur le mur une image tramée d’une photographie issue des archives de Ludovic qui représente une installation réalisée par lui-même en 2003, Bidonville.
À droite, sur le même principe, figure une autre image d’archive de 2000 où Ludovic pose avec des amis devant son installation LUD OÏL en construction. Comme pour la plupart des expositions à venir, Damien a réglé pour celle-ci la production, la logistique et l’intendance ; elles font partie de ses attributions dans le cadre de la gestion de Ludovic Chemarin©.
Vendredi 30 septembre 2011
Ludovic Chemarin© voyage à Luxembourg au Casino-Forum d’art contemporain, invité par Emmanuel Lambion, commissaire de l’exposition collective Found in Translation, Chapter L. Damien et Nicolas assistent au vernissage de cette grande manifestation traitant de la difficulté de traduire les signes et de faire face à leur dysfonctionnement. La phrase en pétards JE SUIS UN RÊVE y est présentée, ainsi que la série de contrats de cession de droits patrimoniaux. Cinq nouvelles productions sont réalisées pour l’occasion : EPROM, une série exploitant les archives de Ludovic et des photographies d’œuvres en impression numérique sur acier thermolaqué. À l’entrée du centre d’art, le logo en lettres adhésives de la marque Ludovic Chemarin© accueille le visiteur.
Samedi 28 janvier 2012
P. Nicolas Ledoux vernit à la galerie Magda Danysz, à Paris, son exposition Pressions, impressions, répressions. Il invite, en parallèle et à l’étage, Ludovic Chemarin© qui propose une nouvelle installation, AIR ARTISTE. Le couloir qui mène à la grande salle présente quatre affiches reproduisant l’interview par Perrine Lacroix et une biographie détaillée. Il débouche sur un espace sombre et occupé en son centre par deux caissons lumineux, l’un à plat au sol et l’autre sur sa tranche, diffusant la même image du champion du monde de « Air Guitar » en pleine performance scénique. Sur le mur de gauche en lettres adhésives géantes, le mot « AIR », et sur le mur de droite, le mot « ARTISTE ».
Au fond de la salle, un bouquet de ballons de baudruche géants et noirs mats bouillonne à l’horizon. La performance musicale fictive de l’« Air Guitarist » nous apprend que l’artiste et l’œuvre ne sont plus nécessairement inscrits dans une filiation et un rapport de cause à effet, et que la caricature peut se passer de l’un comme de l’autre. L’installation est dédiée à l’art volontairement spectaculaire qui court les expositions institutionnelles, et qui tend à remplir des lieux trop grands pour lui.
AIR ARTISTE est la première installation de Ludovic Chemarin© sans référence directe à la production de Ludovic Chemarin.
Vendredi 9 mars 2012
Ludovic Chemarin© participe à l’exposition RestructuARTion qui se tient deux jours durant à la Maison des Métallos à Paris, avec des documents, textes et images sur le volet conceptuel du projet. L’invitation vient de l’artiste et enseignant-chercheur Philippe Mairesse qui a conçu un événement associant artistes, syndicalistes, managers et chercheurs autour des questions de restructuration d’entreprise et, en regard, de stratégie artistique appliquée à l’économie et à la société. À 15h30, Damien fait une présentation illustrée de LC©. De nombreuses personnes sont présentes ; c’est la première confrontation avec un public. Les questions fusent, Damien répond et Nicolas complète.
Il est maintenant évident que le sujet ne laisse pas indifférent.
Vendredi 23 mars 2012
Sur le site magnifique de la Saline Royale d’Arc et Senans, lieu incontournable du néo-classicisme conçu par Claude-Nicolas Ledoux, débute un programme de conférences et d’interventions d’artistes intitulé L’Artiste : du contrat à l’organisation. Ce séminaire de deux jours est organisé par l’équipe de recherche Art&Flux (UMR ACTE/CNRS) de l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne et le pôle Recherche Contrat Social de l’Institut supérieur des beaux-arts Besançon/Franche-Comté. À l’instigation de l’artiste et chercheur Yann Toma se tient, à 16h15, une conférence sur le domaine juridique de LC©. Damien présente et répond aux questions, Nicolas complète. Là encore, les débats sont animés. On reproche aux deux artistes leur indifférence psychologique, voire leur cruauté psychique envers la personne de Ludovic Chemarin, sujet d’une empathie spontanée.
Les rôles répartis d’un commun accord sont en plein essor : Damien est l’orateur et Nicolas la plume, tous deux en vases communicants.
Jeudi 18 octobre 2012
L’exposition El Ojo Colectivo (L’œil collectif) ouvre ses portes au Centro de Exposiciones SUBTE, Montevideo, Uruguay : un centre d’art enfoui sous une place publique, étrange et sombre, mais dont l’activité est bien identifiée. Ludovic Chemarin© est venu jusqu’ici pour satisfaire le souhait de Heinz-Norbert Jocks, critique d’art allemand pilotant cette manifestation sur les collectifs d’artistes notamment sud-américains. Damien et Nicolas profitent des quelques jours d’accrochage pour visiter la ville. Leur dispositif est rodé et calé, et ils ne se sentent pas concernés par les interminables négociations qui agitent les collectifs d’artistes. Mabel Tapia et Stephen Wright, deux critiques et historiens d’art qui ont vu naître Ludovic Chemarin©, sont venus en bateau depuis Buenos-Aires où ils étaient en transit ; voici l’occasion de passer du (bon) temps ensemble.
L’intervention artistique de LC© consiste en quatre grandes affiches en noir et blanc collées au mur et rehaussées d’un cadre de peinture vert vif. Le papier est fin, les images tramées et les textes traduits en espagnol : un véritable matériel de propagande. Le dispositif est léger mais fort, direct, efficace et attire l’attention des visiteurs qui prennent connaissance de la vie et de l’œuvre de LC© au fil de leur lecture. Le graphisme occupe une place essentielle dans la production et la communication de LC© ; il fait partie, au même titre que les éditions, des attributions de Nicolas.
Vendredi 26 avril 2013
Ludovic, de passage à Lyon, déjeune chez Damien. La rencontre est cordiale, entre un bon repas et un point sur les derniers événements. De sa terre d’expatriation, la Suisse, Ludovic a toujours porté attention aux diverses étapes du plan défini par Damien et Nicolas, tout en conservant une distance bienveillante. La dynamique qui porte LC© aujourd’hui le ravit : bien qu’il ne soit plus artiste, son œuvre progresse sans lui. La qualité de la relation entretenue avec Ludovic est cruciale ; sa désolidarisation de l’entreprise serait très probablement fatale à cette dernière. Ludovic est un partenaire : Damien et Nicolas l’ont voulu ainsi. C’est pourquoi les rencontres sont régulières, et les conversations nourries sur l’actualité et le devenir de LC©.
Mercredi 12 février 2014
Au retour du vernissage de la rétrospective Philippe Thomas au MAMCO à Genève, Damien et Nicolas déjeunent avec Ludovic. Ce dernier, de nouveau lyonnais et chef décorateur d’un film d’animation (Ma vie de courgette), les reçoit dans les studios de cinéma du Pôle Pixel à Villeurbanne. Le moment est important et la démarche délicate : la croissance de Ludovic Chemarin © réclame l’implication de Ludovic Chemarin in praesentia. Échanger, demander et éventuellement convaincre se font, comme à l’habitude, autour d’un bon repas. D’une part Damien et Nicolas, un peu tendus, d’autre part Ludovic, détendu et heureux de la compagnie. Les premiers se lancent sur leur souhait de réaliser le portrait officiel de l’artiste Ludovic Chemarin©, et de voir Ludovic se prêter au jeu. Ludovic a dit oui.
Vendredi 14 mars 2014
Damien donne, en petit comité, une conférence intitulée « Le contrat et l’art » pour l’Institut des hautes études sur la justice (Laboratoire Communication et Politique – CNRS). Le même jour, à l’École nationale des beaux-arts, Isabelle de Maison Rouge présente Ludovic Chemarin© au grand prix de l’AICA France (Association internationale des critiques d’art). Dix critiques d’art sont invités à défendre chacun un artiste en 6 minutes et 40 secondes, péroraison et diaporama de vingt images compris. À l’issue de la séance, un jury international désigne le lauréat de l’année. LC© n’est pas lauréat mais son apparition a fait sensation auprès d’un grand nombre de critiques d’art français présents et a sidéré un public composé d’étudiants et d’artistes surpris par l’audace et la radicalité du sujet. Damien et Nicolas ont observé la scène en spectateurs silencieux. Toutes les informations, positives et négatives, sont utilisées et recyclées par les deux entrepreneurs pour alimenter la visibilité de LC© par Damien, et les relations publiques par Nicolas.
Jeudi 3 avril 2014
Raphaële Jeune, critique d’art très impliquée dans LC©, donne à l’Université Rennes 2 une conférence qui lui est entièrement consacrée : Ludovic Chemarin© : artiste génétiquement modifié.
Jeudi 15 mai 2014
Première collaboration avec Michèle Didier, à l’initiative d’Émeline Jaret et dans le cadre de l’exposition Philippe Thomas : AB (1979-1980) à la galerie mfc-michèle didier. Conférences et performances se succèdent dans l’après-midi. Damien et Nicolas font lire le texte d’Isabelle de Maison Rouge par un tiers ; suit un échange avec les invités. Damien répond, Nicolas complète. Un débat passionné et passionnant s’engage entre des spécialistes de l’art conceptuel et des artistes dont les pratiques côtoient celles de Ludovic Chemarin©. Ce moment fournit aussi l’occasion de préciser la proximité et la divergence de l’œuvre de LC© et de celle de Philippe Thomas.
Samedi 17 mai 2014
Pour la cinquième fois en deux mois, LC© parle et fait parler de lui. Invités à l’Université Paris 8 Saint-Denis par Stephen Wright, Damien et Nicolas rencontrent un groupe d’étudiants très impliqués dans la dimension politique de l’art. Les discussions s’avèrent animées sinon âpres ; visiblement la démarche dérange et bouscule une approche de l’art militant dont les engagements sont par nature clairs et nets. La volonté affichée de positionner LC© à la fois dans le système de l’art institutionnel et dans la sphère marchande constitue une provocation assumée par les deux artistes ; elle est cependant mal vécue par ce public puriste, pour lequel l’ambivalence confine à la compromission, voire à la faute morale.
Vendredi 23 mai 2014
Damien retrouve Ludovic à Lyon pour déjeuner. Ce qui est devenu un rituel, agréable et désiré, apporte toujours plus de force à la relation artistique entre Nicolas, Damien et Ludovic, et insuffle une énergie vitale à LC©. Entre deux sujets divers pointe la prochaine étape : la séance de photos qui verra Ludovic incarner Ludovic Chemarin©. L’organisation minutieuse de ce rendez-vous est à l’ordre du jour.
Vendredi 18 juillet 2014
En cette belle fin de journée au Pôle Pixel de Villeurbanne, Damien a rendez-vous avec Ludovic pour la prise de vue du portrait de Ludovic Chemarin©. L’artiste photographe Lucja Ramotowski-Brunet opère dans des conditions professionnelles, maquilleuse à l’appui. Le réalisateur de films documentaires Benoît Rossel, qui prépare un film sur les artistes au travail, est sur les lieux avec son équipe de tournage ; il capte les temps forts de la séance et interviewe les uns et les autres, dont Ludovic. La critique d’art Raphaële Jeune s’est déplacée, en raison de sa veille sur Ludovic Chemarin© depuis sa naissance.
Ludovic est pris sur son lieu de travail, les cheveux en bataille, mal rasé, les décors d’un film d’animation en arrière-plan. Sous la direction de Damien, Ludovic joue le jeu, prend des poses pour un portrait in situ. La transformation physique du chef décorateur en artiste plasticien s’engage. En costume, devant un mur sombre, Ludovic, droit, regarde fixement l’objectif. Cet instant est touchant car c’est la première fois que l’ex-artiste est acteur de la fiction dont il est l’origine. Devant l’appareil photographique argentique et la caméra numérique de Benoît Rossel, Ludovic assume à la perfection son rôle. Ludovic Chemarin© a désormais un visage et un corps.
Mercredi 23 juillet 2014
Ludovic vient dîner chez Damien à Lyon. L’amitié cède le pas au travail : Damien aborde la question des œuvres qui n’ont pas été cédées lors de la signature du 22 janvier 2011. Ludovic s’étant révélé piètre archiviste, un grand nombre d’entre elles (et de projets) a sombré dans l’oubli. Damien et Nicolas ont depuis mené des recherches considérables pour reconstituer la production artistique de Ludovic. Des artistes co-exposants ont été sollicités afin de retrouver et rassembler des photographies, des cartons et des catalogues. Ludovic décide de joindre ses efforts aux leurs ; il fouille dans les cartons de son passé et déniche des trésors. Une nouvelle cession d’œuvres se prépare.
Mercredi 17 septembre 2014
Alexandre Bohn, directeur du Fonds Régional d’Art Contemporain Poitou-Charentes, organise une exposition collective associant Jérémie Bennequin, Michel Blazy, Michel de Broin, Victor Burguin, Les ready-made appartiennent à tout le monde®, Martin Tupper et Ludovic Chemarin©. L’exposition intitulée Rien à voir… est un accrochage d’œuvres protocolaires et hors des définitions normatives de l’art. Les contrats de cession de LC© acquis par le Fonds Régional d’Art Contemporain Poitou-Charentes en 2012 y figurent en bonne place ; les originaux sont présentés sous vitrine et leurs fac-similés sont mis à la disposition du public sur des tables. Damien et Nicolas ne sont pas présents à la journée d’ouverture au public ni aux visites sur rendez-vous.
Vendredi 26 septembre 2014
LC© voyage à la Lage Egal Raum für Aktuelle Kunst de Berlin, et assiste au vernissage de #SCHALLMAUER, une exposition collective proposée par Pierre Granoux et Frankdavid. LC© envoie une série d’affiches reproduisant des images provenant des archives photographiques de Ludovic et associées au logo de l’artiste. Deux grands panneaux de textes introduisent le concept et ses développements. Damien et Nicolas n’ont pas fait le voyage. Ils ont cependant piloté l’opération à distance.
Samedi 15 novembre 2014
Le second moment fondateur de LC© est arrivé : la deuxième et dernière cession des droits patrimoniaux d’œuvres de Ludovic Chemarin. Le protocole est identique à la cession du 22 janvier 2011. Chez Ghislain Mollet-Viéville, à 16h30, Ludovic est détendu et satisfait au rituel en habitué. Le cinéaste Benoît Rossel et le photographe Philippe Savoir immortalisent l’événement. Ils tournent autour des invités dans un savant ballet.
Jacques Salomon et Ghislain Mollet-Viéville sont les seuls témoins résultant de la première cession. Les nouveaux entrants sont : Michèle Didier (galeriste et éditrice d’art), Raphaële Jeune (historienne et critique d’art) et Olivier Moussa (avocat spécialisé en propriété intellectuelle). Une interminable séance de signatures scelle la cession des droits patrimoniaux de 46 œuvres en sus des 26 précédentes pour un total de 72. Maintenant, Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux sont les seuls détenteurs des droits d’exploitation de l’ensemble de l’œuvre de Ludovic Chemarin.
Mercredi 28 janvier 2015
Ludovic rend visite à Damien qui lui suggère une nouvelle action : après le portrait, la signature. Ludovic accepte. L’implication croissante de ce dernier ne révèle pas seulement la pertinence et la solidité des règles de la délégation mises en place dès l’origine de l’accord entre les parties : elle leur apporte un ressort salutaire. Aujourd’hui, Ludovic ne signe pas de contrat ; il s’agit d’apposer sa signature comme seul motif au centre d’une feuille de format A4. Après de nombreux essais, Ludovic n’en retient qu’une.
Mardi 3 février 2015
Ludovic vend à Nicolas et Damien le dessin de sa signature, et signe le contrat de cession des droits de représentation, de reproduction et d’adaptation de cette pièce.
Jeudi 5 mars 2015
Return on investment est une proposition de Renaud Layrac et Yann Toma pour le lieu associatif Immanence, installé dans un atelier d’artiste rescapé du quartier Montparnasse dans le 15e arrondissement de Paris. Damien et Nicolas sont présents au vernissage. Cette exposition rassemble une sélection d’entreprises artistiques historiques comme Ian Baxter&, That’s painting, BP, etoy Corporation, et d’autres plus récentes. La contribution de LC© est simple, minimaliste et opportune : le logo de l’artiste et les villes où il est intervenu, sous forme de lettres adhésives.
Mercredi 1er avril 2015
LC© s’installe au Confort Moderne de Poitiers dans une exposition collective Jeunes & contemporains avec la réactivation de l’œuvre JE SUIS UN RÊVE issue des collections du Fonds Régional d’Art Contemporain Poitou-Charentes. LC© n’est pas représenté au vernissage.
Jeudi 9 avril 2015
Damien est à Linazay, au Fonds Régional d’Art Contemporain Poitou-Charentes, pour une présentation de LC© dans le cadre de l’exposition Rien à voir. Échanges riches et nombreux ; cela devient une stimulante habitude.
Lundi 13 avril 2015
Damien et Nicolas font une présentation de LC© à Paris, à la librairie À Balzac à Rodin pour la sortie du numéro 57 de la revue multitudes qui consacre un chapitre entier à Ludovic Chemarin©. Les deux artistes sont poussés dans leurs retranchements. Sans se démonter, ils répondent posément : le but n’est pas de convaincre mais de démontrer la cohérence et l’amplitude de la démarche, de la complexité des imbrications entre les différents domaines conceptuels, juridiques et formels qui animent le territoire de l’art. Cet oral éprouvant mais loyal devant les intellectuels de la revue multitude constitue un très bon exercice.
Jeudi 16 avril 2015
La galerie parisienne mfc-michèle didier consacre une exposition personnelle à Ludovic Chemarin© : Identités. Une bonne partie du monde de l’art conceptuel parisien – artistes, critiques, collectionneurs – a répondu présent au vernissage.
Cet accrochage associe le volet conceptuel de l’entreprise et sa partie plastique et formelle, volontairement mis en tension et en paradoxes. Dans la première salle, Les contrats sont disposés dans une grande table-vitrine. Au mur deux portraits : Ludovic sur son lieu de travail et le portrait officiel de Ludovic Chemarin©, et enfin La signature dans son cadre. Dans l’autre pièce, au sol, une double bouée bleu translucide qui supporte deux chaises, et un peu plus loin, le même dispositif avec une seule chaise. Ces deux sculptures sont une réactivation d’une œuvre de Ludovic de 1998 mais revisitée selon les canons du marché de l’art actuel – clinquante, spectaculaire, hybride et technique. Cinq sérigraphies épinglées au mur récapitulent les grandes étapes de la vie de LC©. En bas à droite de chaque estampe, la reproduction de la signature de Ludovic. En face, trois grandes impressions numériques encadrées donnent à voir chacune une variante du même dessin vectoriel de la chaise-bouée, dans un style manuscrit, comme si l’artiste avait délégué son geste autographe à un robot pour une exploitation à l’infini. Damien et Nicolas profite de l’exposition chez Michèle Didier pour présenter la première monographie de Ludovic Chemarin© éditée par Art Book Magazine Édition. Cette publication de 290 pages compile la documentation des quatre premières années du projet (2011-2014) ainsi que le catalogue raisonné de Ludovic Chemarin entre 1998 et 2005. Le geste graphique est pur et puissant : il est signé du regretté et ami Pascal Béjean. Ont écrit les textes : la critique d’art et chercheuse Raphaële Jeune, l’historien de l’art Jean-Claude Moineau, l’avocat Olivier Moussa, une autre critique d’art, Isabelle de Maison Rouge et l’artiste Perrine Lacroix.
Mercredi 10 juin 2015
Damien et Nicolas déjeunent avec Ludovic. Famille, culture et loisirs monopolisent la conversation, loin des relations contractuelles qui ont motivé leur rencontre.
Vendredi 3 juillet 2015
Juste après un rendez-vous avec Michèle Didier, Ludovic reçoit un appel téléphonique de Damien et Nicolas, qui l’invitent à dédicacer la monographie de LC© en leur lieu et place. Ludovic aime l’idée et l’accepte.
Samedi 26 septembre 2015
Rendez-vous sur invitation à la galerie mfc-michèle didier, à 17h, pour assister à la première performance de Ludovic Chemarin©. Benoît Rossel, devenu entretemps le cinéaste officiel de LC©, documente l’événement. Les fidèles sont là, dans l’attente d’une action dont ils ne savent rien. Au centre de la galerie, une table, et sur cette table des monographies Ludovic Chemarin 1998-2005 2011-2014… Ludovic arrive, s’assied derrière la table et dédicace les ouvrages. Les invités défilent et repartent avec un objet de performance et de collection sans débourser un euro : une occasion exceptionnelle.
Mercredi 4 novembre 2015
Sur une proposition de Michèle Didier, cette même performance est donnée au Wiels à Bruxelles, ancienne brasserie devenue un lieu d’art contemporain. En préambule, une personne lit en anglais le texte d’Isabelle de Maison Rouge. Puis la performance débute à 18h30. S’ensuit une pluie de catalogues dédicacés et gratuits : quelques invités en sont tout retournés. Damien et Nicolas en profitent pour passer un jour et demi avec Ludovic, et se divertir ensemble.
Jeudi 11 février 2016
Ludovic Chemarin© inaugure l’année par une exposition collective au Point commun, un lieu confidentiel d’art contemporain à Cran-Gevrier près d’Annecy. Enclencheurs de récits est vernie en présence de Damien. LC© présente les cinq sérigraphies retraçant l’histoire de l’entreprise et une nouvelle vidéo où la main de Ludovic signe en gros plan et inlassablement une page de la monographie de LC© dans une boucle sans fin.
Jeudi 19 février 2016
LC© s’est rendu à Varsovie, sans Damien ni Nicolas, pour Making Use: Life in Postartistic Times, exposition organisée par Sebastian Cichocki et Kuba Szreder. Le co-commissaire Stephen Wright les a présentés à Nicolas à Paris quelques semaines auparavant. LC© expose deux portraits photographiques associés à l’interview de Damien et Nicolas par Perrine Lacroix, traduite en polonais et en anglais. Cette manifestation collective ambitieuse réunit de nombreux artistes internationaux dont le champ d’action se situe aux frontières de l’art, voire dans ses marges : Salvage Art Institute, Iconoclasistas, Peter von Tiesenhausen, etc. Le Museum of Modern Art in Warsaw organise deux mois et demi plus tard un grand événement de clôture, sans Damien ni Nicolas.
Vendredi 4 mars 2016
Ludovic a rendez-vous avec Damien à 10h à Lyon. Pas d’information sur la raison de cette rencontre.
Mercredi 23 mars 2016
Damien, Ludovic et Nicolas dînent ensemble à Lyon. Nicolas échange beaucoup avec Ludovic car ils se voient peu, l’un à Paris et l’autre à Lyon. La soirée est festive, le repas gourmet et le vin excellent. Chacun parle de ses affaires avec les autres, la famille, les projets, les envies.
Mardi 19 juillet 2016
À la demande de Damien et Nicolas, Ludovic envoie une photographie de lui à deux ans, nu sur une plage, pour en faire la couverture d’une nouvelle publication : ©01.
Samedi 27 août 2016
La galerie mfc-michèle didier expose Ludovic Chemarin© à la foire d’art contemporain de Marseille, Art-O-Rama. Une grande cimaise déroule les cinq sérigraphies et la vidéo de la signature en boucle, et avec, au pied, la chaise-bouée simple. À 17h30, la collaboratrice de Michèle Didier lit le texte d’Isabelle de Maison Rouge puis Damien et Nicolas répondent aux questions. Le moment est bizarre, entre conférence et performance au milieu d’une foire. À cette occasion, Ludovic Chemarin© lance ©01, un fascicule de 36 pages au format 23 par 32 cm. © est une série de publications irrégulomadaires à raison d’une à deux livraisons par an, au rythme de l’actualité de LC©. Ce premier numéro comprend un texte de Stéphane Léger, critique d’art et chercheur indépendant, écrit en mai 2015 : Ludovic Chemarin© : anthropophagie juridique et fiction du sujet.
Vendredi 21 octobre 2016
À l’initiative de la philosophe Gaëtane Lamarche-Vadel, LC© est invité à intervenir au colloque L’appropriation inventive et critique en ouverture d’un nouveau site culturel et artistique parisien, La Colonie. Stéphane Léger assure en lieu et place de Damien et de Nicolas la présentation du projet.
Vendredi 2 décembre 2016
Réunion de travail à Lyon entre Damien, Ludovic et Nicolas dans la perspective de la résidence d’artistes de LC© à l’Espace de l’art concret (EAC) de Mouans-Sartoux. Ludovic est partie prenante de l’opération ; il accompagne la production des œuvres destinées à être exposées à l’été 2017. Quand Ludovic ne crée pas des décors pour le cinéma, il est régisseur d’exposition, notamment pour la biennale d’art contemporain de Lyon.
Mardi 31 janvier 2017
Sur une invitation du critique et commissaire indépendant Emmanuel Lambion, Damien et Nicolas tiennent une conférence à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles intitulée Autopoïèse jurisprudentielle. Le débat avec les étudiants est fin et enthousiasmant ; le public adhère et le fait savoir. Le temps cependant manque pour aller plus loin ; tout le monde est un peu frustré.
Jeudi 2 février 2017
Alexandre Bohn, directeur du Fonds Régional d’Art Contemporain Poitou-Charentes, inaugure à Angoulême l’exposition collective Sommaire réalisée à partir des collections de l’institution. Les contrats et la phrase en pétards JE SUIS UN RÊVE figurent dans la liste des œuvres. Parmi les artistes associés : Martin Kippenberger, Les ready-made appartiennent à tout le monde®, Raivo Puusemp, That’s Paintings, Tatiana Trouvé… Damien et Nicolas, indisponibles, n’assistent pas au vernissage.
Vendredi 10 février 2017
Nicolas est de passage à Lyon ; un dîner avec Damien et Ludovic s’impose. Deux sujets sont mis sur la table : le couple et le Brionnais où Ludovic a une maison de campagne.
Vendredi 10 mars 2017
Nouveau rendez-vous avec Ludovic pour une réunion de travail chez Damien qui se termine par un déjeuner. À l’ordre du jour, toujours la résidence d’artistes de Mouans-Sartoux avant la visite du site la semaine suivante.
Mardi 14 mars 2017
Les prochaines expositions que l’Espace de l’art concret à Mouans-Sartoux et le Fonds Régional d’Art Contemporain Provence-Alpes-Côte-d’Azur à Marseille consacreront prochainement à LC© motivent un voyage-éclair sur la Côte d’Azur. Damien et Ludovic – en liaison cellulaire avec Nicolas à Paris dans les moments décisifs – se prêtent à une succession de réunions avec les responsables de la gestion paysagère du parc de l’EAC puis du FRAC. Ces deux manifestations sont placées sous le signe du soleil et du sud, mais aussi de la patience.
Mercredi 22 mars 2017
Nicolas propose à Nathalie Leleu de rédiger une biographie de Ludovic Chemarin© sur la base des informations précises qui lui sont fournies. Toutes les extensions pertinentes et audacieuses du domaine documentaire figurent volontiers à la carte des services proposés par Nathalie. Cette dernière accepte la commande.
Samedi 15 avril 2017
Damien rend visite à Ludovic dans sa maison de campagne, où il séjourne en famille. Après le tour du propriétaire arrive l’apéritif : la conversation tourne autour de la région du Brionnais – et du travail aussi, un peu. Ludovic voit d’un œil favorable la délégation de la biographie à un auteur indépendant, conçue comme une nouvelle déclinaison de l’œuvre de LC©.
Lundi 24 avril 2017
Après des échanges variés et nombreux entre Damien, Nicolas et Nathalie, Total Recall, la biographie de Ludovic Chemarin©, est livrée à point. La nature de cette œuvre la destinant à évoluer avec le projet, ce premier état constitue la version 1.
Vendredi 5 mai 2017
L’exposition monographique de Ludovic Chemarin© Principes de réalité, Chapitre 1, est vernie au FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Cette proposition occupe deux espaces à deux étages distincts du bel ouvrage d’architecture de Kengo Kuma.
Ce premier chapitre est consacré à la dimension conceptuelle du projet et à son évolution depuis sa création en 2010/2011. Sur le plateau Expérimental, l’accrochage est sobre et dépouillé. Aucun détail scénographique n’a été négligé ; l’installation d’un salon pour le confort de lecture des visiteurs fait foi. Y est installée une plante verte, indice de la filiation entre les artistes et Marcel Broodthaers ainsi que Philippe Thomas.
L’exposition débute avec la fondatrice table vitrine protégeant les contrats de cession de Ludovic Chemarin© provenant de la collection du FRAC Poitou-Charentes. Puis, au mur, défilent deux portraits de Chemarin avec et sans copyright, la sérigraphie relative au portrait de l’artiste et un vidéogramme photographique détaillant la transformation de Ludovic (coll. FRAC PACA). Le tour d’horizon de cette salle se prolonge comme suit ; deux nouveaux vidéogrammes, La signature et La performance ; la vidéo La transformation diffusée sur un écran plat ; trois nouvelles sérigraphies retraçant le parcours de Ludovic Chemarin©, La publication, La performance et La résidence ; une grande impression numérique sur papier aquarelle avec, en son centre, la signature stylisée de Ludovic Chemarin sur fond jaune ; trois affiches reproduisant la biographie rédigée et détaillée de LC@, Total Recall 34 384 signes (espaces compris). En dépit de sa qualité documentaire, cette biographie est assumée comme une œuvre et jouit d’un statut identique à celui des autres propositions exposées.
Au niveau du plateau Multimédia, une grande table vitrine rassemble un ensemble de documents datant de 1998 à 2017 avec principalement des catalogues et des cartons d’expositions. Puis dans la salle principale, la vidéo en boucle Signatures, qui présente Ludovic signant des pages de catalogue inlassablement, à un rythme constant et légèrement ralenti. La salle est grande, avec un écran qui couvre un de ses murs. La projection vidéo le cadre entièrement et offre aux spectateurs un rapport d’échelle démesurée avec les images en mouvement. Une publication accompagne cette exposition : le deuxième numéro de la série ©. La V1 de la bio Total Recall y est reproduite.
Damien et Nicolas accompagnent les visiteurs et répondent aux questions : le contact passe bien.
Jeudi 11 mai 2017
Ludovic finalise avec un ferronnier les productions issues de sa résidence à l’Espace de l’Art Concret de Mouans-Sartoux. Elles sont prévues dans le parcours paysager de l’exposition Principes de réalité, Chapitre 2.
Vendredi 26 mai 2017
Nicolas fait visiter l’exposition de Marseille aux directeurs du réseau des FRAC rassemblés pour une journée professionnelle. À titre exceptionnel, Nicolas prend en charge l’oralité, non sans plaisir. Le débat est animé par l’artiste avec le concours de Pascal Neveux (directeur du FRAC PACA) et d’Alexandre Bohn (directeur du FRAC Poitou-Charentes). L’ambiance est studieuse et chargée en questions détaillées. Au sein du groupe, quelques individus déclarent un réel intérêt pour LC©.
Mercredi 21 juin 2017
Ludovic et Damien se rendent de bonne heure chez un loueur d’utilitaires lyonnais : un voyage vers le sud de la France les attend. Après un premier chargement à Lyon, ils prennent
la direction de Saint-Étienne où ils doivent enlever une nouvelle production artistique destinée à figurer dans la prochaine exposition de LC©. Ils mettent ensuite le cap sur les Alpes maritimes. Le trajet, fort long, fournit l’occasion d’échanger sur l’événement qui s’annonce, son projet, ses enjeux et les détails de son montage. L’arrivée en fin de journée à Mouans-Sartoux est une véritable délivrance, et le dîner, une belle récompense. Nicolas les rejoint le lendemain
par le train. Le trio ainsi reformé est fin prêt pour l’installation des œuvres dans le parc de l’Espace de l’art concret, au terme
de la résidence de Ludovic Chemarin in situ pour le compte de LC©.
Samedi 24 juin 2017
Après de nombreux ajustements et plusieurs jours de montage, l’exposition est au point.
Principes de réalité, chapitre 2 constitue
le deuxième épisode d’une série d’expositions initiée au FRAC de Marseille. La première exposition était dévolue à la partie conceptuelle du travail de LC© ; celle-ci propose des réactivations et des adaptations d’œuvres sculpturales de Ludovic Chemarin par LC©.
Son vernissage ouvre au public un parcours paysager. Dès l’entrée, à droite, une chaise surdimensionnée est posée sur une chambre
à air géante au milieu d’un petit bassin envahi
par les nénuphars. Le siège est un modèle Bertoia, figure emblématique du design des années 50. Sa structure est un assemblage de fers à béton rouillés.
La promenade continue vers le bâtiment qui abrite la donation Albers-Honegger, construction moderniste en béton peint vert clair. Son entrée en avant-corps est couronnée d’un anneau noir : une chambre à air de tracteur, sculpture minimale proposée par LC© en a finité géométrique avec l’Espace de l’art concret. Un rapport
avec les ronds et cercles d’Olivier Mosset n’est pas à proscrire – d’autant qu’une exposition monographique de ce dernier se tient en même temps dans le château de Mouans, à quelques pas. En écho à l’anneau, au pied de l’édifice de béton s’étale un cercle parfait d’herbe en pots
de plastique ; il s’agit d’une réinterprétation
d’une œuvre de Ludovic Chemarin de 1998. Même opération et même année pour l’emboitage de centaines de pots à orchidée noirs qui grimpe insolitement à l’arbre (ou en descend). À la sortie du parc, un imposant pot de fleur en plastique, rempli de terre, trône sur la pelouse. Un effet d’optique active l’œuvre par le déplacement
du visiteur : l’alignement dans le même axe du pot et d’un arbre particulier en arrière-plan semble faire jaillir le second du premier. Enfin, LC© propose dans le hall une version augmentée
de la biographie Total Recall, 38 652 signes (espace compris). Formalisme et décalages fondent l’intervention de LC© dans un environnement dédié à un mouvement qui les
a tous deux pratiqués, dans une autre époque
et avec des moyens plastiques différents.
Ce vernissage est inédit pour les trois artistes, ensemble, unis mais partagés : Ludovic se trouve au centre des attentions et des questions.
Un diner sous les arbres avec le monde de l’art régional clôt l’événement et ouvre de nouvelles perspectives nourries par de vifs échanges avec les invités : artistes, commissaires et directeurs d’institutions.
Samedi 26 août 2017
Déjeuner à la campagne et en famille. Damien et Ludovic parlent de rénovation de fermes brionnaises et de bien d’autres choses.
Vendredi 1er décembre 2017
Suite à la proposition de Michèle Didier de faire une édition d’art de Ludovic Chemarin©, Damien et Nicolas ont travaillé sur ce projet pendant plusieurs mois. Ils ont décidé de développer la dimension fictionnelle et subjective de leur histoire. Ils valident la solution d’un coffret
de disques vinyles accompagné d’un livret
avec une version littéraire de la biographie
de LC©. Nicolas pense immédiatement à un
de ses amis écrivain, Olivier Combault, pour son style ascétique et personnel ainsi que sa capacité à gérer la contrainte d’une telle commande.
Un rendez-vous à trois s’organise à Paris pour définir le cadre et l’ambition de la demande.
La soirée est agréable et excitante, le restaurant bien choisi. L’invitation est acceptée par Olivier et fêtée par tous.
Mercredi 13 décembre 2017
Damien et Ludovic ont rendez-vous pour déjeuner.
Jeudi 11 janvier 2018
Nicolas rencontre Olivier Quintyn suite
à la lecture de ses deux derniers ouvrages : Valences de l’avant-garde et Implémentations/implantations. Le pragmatisme de l’auteur
et sa théorie critique l’ont particulièrement intéressé. Nicolas a ressenti une très forte affinité entre l’œuvre d’Olivier avec le projet de LC©.
Il lui a envoyé, avant l’entrevue, la monographie©. Le contact et l’intérêt mutuel sont immédiat
et profond. Tous deux décident de multiplier
les échanges et d’envisager une collaboration, notamment la publication d’un ouvrage d’Olivier dont LC© servirait, entre autres, de matrice à une réflexion plus générale sur l’économie de l’art, ses conséquences et la potentielle rupture et/ou faille que représente LC©.
Un diner avec Damien est prévu.
Vendredi 26 janvier 2018
Damien et Ludovic déjeunent : au menu, l’accrochage d’une exposition à venir à Genève.
Jeudi 1er février 2018
Je est un.e autre est vernie au FRAC Poitou- Charentes à Angoulême. Cette exposition collective, proposée par son directeur Alexandre Bohn, est issue d’une réflexion sur le thème
du portrait. Y est présentée la biographie Total Recall, 38 652 signes (espaces compris) de LC©, œuvre acquise par le FRAC Poitou-Charentes
en 2017. Cette pièce, composée de quatre grandes feuilles imprimées, occupe l’espace central de la salle principale et contraste avec
les peintures et les photographies qui composent l’essentiel du parcours. Ludovic Chemarin© n’était pas représenté lors du vernissage.
Mercredi 14 février 2018
Nicolas écrit à Nathalie Leleu pour l’informer de la programmation LC© en 2018 et des derniers événements de 2017. Une mise à jour de Total Recall, 38 652 signes (espaces compris) est prévue pour la salle consacrée à LC© en mai 2018 au musée d’art moderne de Saint-Étienne. Damien rassemble à l’attention de celle-ci les éléments qui concernent les expositions de Mouans-Sartoux et d’Angoulême, les productions récentes et quelques rencontres autour d’un bon plat (ou non). Quelques jours plus tard, Nathalie boucle la rédaction des derniers épisodes de la biographie de LC©, dans l’esprit et la lettre qu’elle a définis en accord avec Damien et Nicolas. Vient s’ajouter à la bio un texte de salle pour l’exposition de Saint-Étienne, calibré et agencé selon les canons de cet exercice : bref dans la forme, synthétique sur le fond, accessible à la lecture, liant l’actualité à l’histoire de l’art.
Lundi 12 mars 2018
Rendez-vous chez Jones, restaurant du 11ème arrondissement parisien. Nicolas et Damien invitent à diner le musicien et ami Christophe Demarthe, sollicité pour une intervention musicale dans la prochaine édition d’art de LC©. Il s’agit de créer la bande-son du projet LC© comme un attribut supplémentaire de l’artiste. Christophe interviendra comme co-auteur. La discussion est animée, dense et passionnante. Damien et Nicolas décrivent en mots, en images et en références diverses un paysage musical fantasmé ainsi que les contraintes de diffusion. À la charge du musicien de respecter les souhaits et les limites – ou pas.
Jeudi 5 avril 2018
Damien et Nicolas sont arrivés la veille à Genève pour l’accrochage de l’exposition collective The Sun Aint Gonna Shine Anymore qui est vernie aujourd’hui au Commun, espace voisin du Mamco. Le projet proposé par Pierre Beloüin et P. Nicolas Ledoux se développe sur deux étages et revisite les problématiques qui nourrissent la revue Optical Sound : le rôle et le statut de l’artiste, ses moyens d’action et de réaction, l’actualité d’une attitude « post- », tout en alternative
et en hybridation, aux prises avec une industrie culturelle dévorante et normative.
Ludovic Chemarin© présente sa chaise-bouée Bertoia mais, ici, posée au sol, ainsi que
les huit sérigraphies des étapes fondatrices
du projet. Trois affiches collées au mur égrènent l’histoire de l’artiste depuis 2011. Une nouvelle œuvre est produite pour l’occasion. Spectaculaire et ostentatoire, elle se compose de trois grandes chambres à air de tracteur fixées au mur
par des sangles. Trois donuts géants et grinçants, à la frontière de l’art minimal et de la sculpture contemporaine, prêtent leur forme et leur réputation à la notion de recyclage et de détournement ainsi qu’aux aspirations de LC© à propos du vide,
du gonflable comme simulacre du réel et
d’un « Air Art » déjà rencontré dans l’installation Air Artiste.
Samedi 14 avril 2018
La journée est consacrée à la présentation du travail de LC© au Commun. Damien est à la manœuvre. La grève des cheminots l’oblige à faire la route de Lyon à Genève en voiture. Il est accueilli par deux impétrants. Damien : « Vous pensez qu’il y aura beaucoup de monde pour cette conférence ? » Les impétrants : « Nous ne savons pas trop, mais généralement il y en a. ». Le public de la salle se résume à une personne âgée qui n’entend pas bien. Trois individus dont deux esprits du lieu sont dans l’attente d’explications sérieuses sur ce mystérieux artiste : alors, en avant toute ! Le seul regret de Damien concerne l’absence de questions, éventuellement de la part de la vieille dame qui est partie avant la fin.
Vendredi 25 mai 2018
Nicolas rejoint Damien en train à Lyon. Tous deux prennent la route de Saint-Étienne pour le vernissage d’une exposition intitulée Considérer le monde. LC© y présente la troisième version de la présente biographie ainsi que trois vidéos réalisées par Benoît Rossel. Le Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne, qui fête ses 30 ans, a assuré l’ensemble de l’accrochage et la production des éléments graphiques. Nathalie Leleu, rédactrice de la biographie, a écrit le texte de la salle consacrée à LC© (N.D.R. : les notices et les panneaux de salle figurent parmi mes spécialités). Damien et Nicolas cachent mal leur appréhension de la découverte d’un accrochage fait par d’autres qu’eux-mêmes. La tension retombe devant le stimulant vis-à-vis entre la biographie Total Recall et les trois vidéos visibles individuellement en boucle sur trois écrans plats juxtaposés. La salle est peinte en gris sombre et le texte, reproduit sur de grands adhésifs imprimés mat : l’ensemble est élégant. La soirée du vernissage traine en longueur, comme trop souvent : discours, déambulation dans le musée, cocktail puis repas avant un retour dans la nuit et une longue discussion entre Damien et Nicolas sur les institutions culturelles.
Jeudi 14 juin 2018
Ouverture officielle d’Art Basel : c’est Michèle Didier qui officie en lieu et place de Nicolas et de Damien. La galerie mfc-michèle didier présente en effet Salon© de Ludovic Chemarin©. C’est elle qui a choisi le mobilier de la pièce comme précisé dans le protocole d’activation de cette œuvre et notifié dans son contrat d’acquisition. L’ensemble est simple et minimal : deux fauteuils aux lignes épurées, une table basse pouvant avoir été empruntée dans un couloir de la foire, de la documentation sur l’artiste et la plante-signature de LC© : un kentia qui fera certainement une longue carrière dans les expositions de l’artiste à venir.
Dans ce contexte, Salon© remplit bien son rôle : c’est une œuvre-caméléon, infiltrée mais aussi pratique : elle permet aux visiteurs de se reposer un peu, de consulter leur messagerie, d’engager une discussion avec Michèle ou avec ses assistants, etc. Cette exposition est flatteuse pour LC©, car en plus d’être présent à la foire, il est entouré d’œuvres de Robert Barry, Mel Bochner, On Kawara et Maurizio Nannucci.
Vendredi 15 juin 2018
Nicolas déjeune avec Christophe Demarthe pour prolonger la discussion sur le coffret de trois vinyles à produire. Ils se connaissent depuis longtemps et parlent le même langage, partagent les mêmes références et prennent plaisir à s’en chercher de nouvelles, à lancer des noms de groupes et des morceaux comme autant de satellites en gravitation autour du projet : de Nicolas Jaar à Labradford en passant par Nils Frahm ou Sunn O))). Nicolas est fan du travail de Christophe et de son projet de musique électronique Cocoon. Il sait que ce sera parfait. La structure est en place : des tonalités et des intensités qui surenchérissent de face en face. Ils réfléchissent à l’éventualité d’intégrer d’une façon ou d’une autre des bribes du texte d’Olivier dont le titre cherche sans relâche son objet : « À reprendre… Qui suis-je ? Tentatives de constitution d’un autoportrait ou les naissances multiples de Ludovic Chemarin© ».
La discussion se poursuit et délaisse le projet.
Jeudi 19 juillet 2018
Voilà une belle journée de juillet pour voyager, se retrouver, discuter… Damien et Nicolas se sont donné rendez-vous à Amilly du côté de Montargis. Éric Degoutte, directeur du centre d’art contemporain Les Tanneries, a invité Ludovic Chemarin© à visiter le lieu : un imposant bâtiment industriel repensé avec sobriété et élégance autour d’un parc et proche d’une rivière. Les deux artistes sont sous le charme. Les échanges avec Éric au déjeuner sont nourris et s’échappent de l’art plastique vers la littérature et Claude Simon mais aussi évoquent des souvenirs en commun : le centre d’art de Chelles, Frédéric Teshner et Pascal Béjean prématurément disparus, Didier Courbot et Élodie Lesourd.
Les déplacements sont complexes pour Nicolas le Parisien et Damien le Lyonnais ; lorsqu’ils se croisent, ils en profitent pour travailler intensément et écrire les scénarios des projets à venir. Les idées fusent déjà autour des Tanneries, au cas où…
Samedi 4 août 2018
Ludovic Chemarin© est un artiste aux auteurs multiples. Après Benoît, Philippe, Nathalie, Christophe, Olivier et Gaël, Gilbert rejoint l’équipe. Faut-il inclure Ludovic dans la liste ? Cette question reste pour le moment sans réponse.
La demande à Gilbert est simple : prendre des photos du Brionnais, la campagne de l’enfance de Ludovic Chemarin, natif de La Clayette en Saône-et-Loire. Le lieu de la séance photo se déroulera dans un périmètre proche de cette ville. Sous un soleil de plomb et en pleine canicule, Gilbert Brun sillonne à moto (sa façon d’aborder le paysage) les petites collines. Damien le suit en voiture. Dès qu’un point de vue semble intéressant, tout le monde s’arrête. Ainsi naissent les précieux clichés utilisés dans l’œuvre de LC©. Les choses se passent rapidement mais précisément.
Samedi 8 septembre 2018
Barbecue à la campagne : Damien invite Ludovic. Dialogues privés, partage d’amitié en famille : pas de fiction, pas de documentation.
Mardi 23 octobre 2018
Nicolas passe à l’atelier de Gaël Davrinche pour chercher les trois portraits qu’il a peints de Ludovic enfant et qui seront présentés dans la prochaine exposition. Il est très excité de découvrir le travail de son ami et de voir comment il s’est arrangé avec cette commande si particulière qu’elle a fait l’objet de nombreuses discussions enflammées. Gaël avait déjà peint pour Nicolas, il y a quelques années, de grands portraits de Gasiorowski. Nicolas et Gaël ont exposé ensemble et s’apprécient beaucoup. Les deux vouent une passion à la peinture et travailler de concert a toujours été un plaisir pour chacun. Les tableaux sont parfaits et, surprise, en couleurs. La patte de Gaël est là, son geste nerveux et délié, son sens de l’équilibre mâtiné d’un poil d’instabilité nécessaire. Voici venir un nouveau protocole de co-création au sein de LC© : Gaël garde une des trois peintures – maintenant œuvre de LC© – pour lui et chez lui. Les autres vivront leur baptême LC© à la galerie mfc-michèle didier.
Samedi 24 novembre 2018
Paris, galerie mfc-michèle didier, en fin d’après-midi. L’exposition Moments ouvre au public. Elle s’articule autour d’une édition produite par Michèle Didier et tirée à 250 exemplaires : un coffret blanc en carton contenant trois disques vinyle 33 tours et un livret de 40 pages. La musique a été confiée à Christophe Demarthe aka Cocoon, le texte littéraire inspiré par Ludovic Chemarin© à Olivier Combault et les photographies des pochettes à Gilbert Brun.
En entrant dans la galerie, juste en face de l’entrée, Salon© : sur le mur dans l’axe une peinture de LC© peinte par Gaël Davrinche, Ludovic Chemarin enfant sur fond bleu, d’après photographie. À gauche, le texte d’Olivier, à droite le contrat de Salon©.
Dans la salle suivante, huit sérigraphies rendent compte de l’histoire du projet.
Puis dans la dernière salle servant également de bureau à la galerie, la troisième version de la biographie Total Recall dans un mode de présentation plus sophistiqué que les précédents, en trois panneaux : des impressions numériques sur fond gris encadrées avec rehausse. Suit la deuxième peinture, Ludovic Chemarin enfant sur fond vert et trois petites photos encadrées au centre d’un grand mur blanc portant le nom de Paysage brionnais, trois points de vue sur la campagne d’enfance de Ludovic. Nous retrouvons ces trois images sur les pochettes de disque au centre de la salle, sur une table supportant le coffret des vinyles et le livret. Des écouteurs sont à la disposition du public pour s’imprégner dans l’intimité et en mobilité de l’univers musical LC©. Une enceinte diffuse le flux sonore dans les deux premières pièces.
Le vernissage est l’occasion de retrouver et de faire se rencontrer une partie des co-auteurs de Ludovic Chemarin© : Christophe, Gaël, Nathalie, Olivier, Philippe. Le vernissage se termine par un buffet dans la galerie dans une ambiance légèrement grisante. Amis, collectionneurs et personnalités de l’art sont présents dont Ghislain Mollet-Vieville et Claire Burrus, galeriste et protectrice de l’œuvre de Philippe Thomas, qui fait partie des personnes les plus fidèles au travail de LC©. La soirée se termine chez Nicolas autour de quelques verres de whisky. Les artistes sont soulagés, à la fois d’avoir été au bout de leurs intentions mais aussi d’avoir recueilli des premiers retours très positifs.
Jeudi 7 février 2019
Ludovic Chemarin© fait son retour à La BF15 pour une nouvelle exposition personnelle, Histoire sans fin, après sa première apparition publique dans ce même lieu en mars 2011. Sa présence est permise par le fait que Perrine Lacroix a exceptionnellement renoncé au principe de ne jamais inviter deux fois le même artiste.
Ne pas se répéter, ne pas ronronner, réfléchir et décider : après une longue maturation émergent deux axes destinés à reformuler l’équation LC©. Le choix s’est arrêté sur la dimension intime de l’artiste et la notion de « temps long ». Le texte de présentation en fournit les clés : « Histoire sans fin propose une visite particulière, une circulation spécifique, une expérience différente, pour tenter de transformer le spectateur-visiteur en invité, imaginer de nouveaux protocoles de médiation, changer les usages. ». Cette exposition est ponctuée d’une série d’évènements assumés comme des œuvres éphémères autour de l’histoire de Ludovic Chemarin et de Ludovic Chemarin©.
La première salle impressionne par son volume et sa luminosité. À gauche, un portrait photographique géant en noir et blanc de Ludovic enfant, à l’expression enjouée et avec un doigt dans l’oreille. À côté, la peinture d’après cette même photographie par Gaël Davrinche, montrée à Paris peu avant. Au mur adjacent, une sérigraphie figurant la première exposition de LC© à La BF15 au même endroit. Puis arrive le Salon©, faussement centré, dans une nouvelle version incluant du mobilier de jardin et – à la différence des autres présentations – une profusion de kentias. Cette jungle domestique semble dévorer l’espace.
En arrière-plan, le programme détaillant les rendez-vous proposés aux visiteurs.
Au dernier mur se déploie la biographie sur six panneaux dont la lecture est perturbée par un miroir reflétant la salle d’exposition et, selon la position, le sourire et le regard insouciants de Ludovic enfant. Le contrat encadré du Salon© fait office de transition avec la seconde salle.
Au centre trônent sobrement une table, quatre chaises et des tasses à thé posées sur des sets. Au mur, la deuxième peinture du petit Ludovic et la photo de l’adulte qu’il est devenu, prise sur son lieu de travail qui n’est plus celui d’un artiste.
Dans la troisième salle, un lit massif, une lampe oblique, une grande enceinte circulaire noire et une vaste vidéoprojection sur le mur – Gilbert y a monté un ensemble de zooms et de travelings des photographies du Brionnais prises l’été dernier : des paysages d’enfance de la campagne où Ludovic s’est réinstallé récemment. L’enceinte diffuse la musique de Christophe produite il y a quelques mois pour la série des trois vinyles Moments.
Trois salles pour un projet en trois actes à réaliser par le visiteur ; lire la documentation de l’artiste disposée sur la table du salon ; accepter une tasse de thé proposée par La BF15 en conversant à loisir avec la personne en charge du lieu ; s’étendre et écouter la musique. Une mise en œuvre inspirée de l’esthétique relationnelle ? Mais oui !, avec un soupçon de décalage temporel pour sonder tous les arcanes de l’œuvre de LC©, dans un cadre où les usages deviennent des prétextes.
Vendredi 8 février 2019
Ni Damien ni Nicolas (à Lyon) ne participent au vernissage de l’exposition collective Intérieurs sur mesure à la galerie de design A1043 à Paris. Ludovic Chemarin© a répondu à l’invitation de Didier Jean Anicet Courbot par le prêt du premier jeu des contrats de cession des droits patrimoniaux de Ludovic Chemarin (janvier 2011). Ces derniers sont disposés sur une élégante table au plateau rose dessinée par Alessandro Mendini, à côté de la Twenty Seven d’Ettore Sottsass, une lampe en métal rouge. L’ensemble est chic et décalé, volontairement déroutant. Le mélange des disciplines, des genres et des objets est ici particulièrement pertinent.
Samedi 16 février 2019
Première activité du programme après le vernissage d’Histoire sans fin à La BF15 : un concert-lecture avec Olivier à l’écriture et Christophe à la composition musicale. Cette performance artistique est le prolongement de leur création individuelle pour le coffret Moments édité fin 2018 par la galerie mfc-michèle didier. Christophe et Olivier transcendent leur composition originelle dans cette interprétation live et surprennent la vingtaine de personnes présentes.
L’émotion est palpable au sein du tandem qui s’est approprié le cahier des charges transmis par Damien et Nicolas – lequel leur a depuis totalement échappé. Il s’est passé quelque chose ce soir entre les deux co-auteurs de LC© : ce supplément de créativité autonome constitue l’un des modes de régénération du projet.
Samedi 9 mars 2019
Un programme comme exposition tisse une seconde trame de lecture du projet. Deux interventions sont prévues pour raconter l’histoire presqu’effacée de l’époque où Ludovic était un artiste.
En premier parle le plasticien Pierre David qui a bien connu Ludovic alors que ce dernier était son assistant. C’est avec bienveillance et affection qu’il évoque la virtuosité du jeune créateur mais aussi ses coups de colères incontrôlés.
Pierre mentionne enfin une anecdote : le hasard a voulu que Ludovic ait été pensionnaire de la résidence d’artistes Moly-Sabata avant que Pierre en soit le directeur. Une question surgit de la bouche de Pierre et sème le doute : Ludovic existe-t-il vraiment ? S’ensuit un dialogue avec Damien destiné à faire la lumière sur cette question.
Nick Van de Steeg, un autre artiste dont Ludovic a été l’assistant, ayant décliné l’invitation pour la seconde intervention, c’est vers l’ancien galeriste de Ludovic Chemarin que LC© s’est tourné : Georges Verney-Caron. Il n’a pas été facile de le convaincre mais il a finalement accepté après avoir obtenu l’accord de Ludovic par téléphone. La collaboration de Georges Verney-Caron avec l’artiste Philippe Thomas et d’autres figures tutélaires du projet de LC© rendait la rencontre d’autant plus prometteuse. Sa défection inattendue et non annoncée ne l’a pas permise. Il est vrai que Georges avait exprimé sa perplexité lors du vernissage à La BF15, et son désaccord avec ce qu’il pensait être une exploitation abusive de la personne de Ludovic Chemarin.
Mardi 12 mars 2019
Visite de Ludovic, comme annoncé dans le programme : « Ludovic viendra de temps en temps, sans prévenir, à La BF15. Une chance, peut-être, de le croiser ? Visiteur, acteur du programme, ex-artiste… Il participe à cette nouvelle aventure sous le statut que vous voudrez lui donner. Mais le reconnaitrez-vous, au risque de le confondre avec une autre personne ? ». Puisque Ludovic est libre de faire ce qu’il veut et qu’il est aussi très occupé, il n’est venu qu’une seule fois et un jour où la galerie n’était pas ouverte au public. Il fût cependant accueilli comme il se doit, c’est à dire chaleureusement.
Mercredi 14 mars 2019
Autre programmation d’Histoire sans fin : l’intervention de l’avocat de Ludovic Chemarin©, Olivier Moussa. Il est présent en fin d’après-midi autour d’une tasse de thé, pour répondre aux questions juridiques du projet et bien au delà : sur le statut de l’œuvre, celui de l’artiste et sur la propriété intellectuelle. Les échanges sont riches et passionnants pour un public, semble-t-il, plus en attente de la parole d’un avocat que de celle d’un médiateur culturel : le droit prend le dessus sur l’art.
Samedi 23 mars 2019
Dernière étape du programme en guise de finissage d’exposition : une vente éphémère de plantes. Damien et Nicolas ont fait appel aux promoteurs de la « boutique pop-up » intitulée Plantes pour tous. Les kentias exposés sont mis en vente avec les plantes d’agrément, aromatiques ou potagères. Le public est filtré par un agent de sécurité car la file d’attente est impressionnante : plus de quarante mètres à l’extérieur de La BF15. 650 visiteurs et plus de 1500 plantes écoulées : des chiffres inhabituels pour ce genre de lieu.
Jeudi 28 mars 2019
Ludovic et Damien déjeunent à Lyon au restaurant de la piscine du Rhône. Ils débriefent l’exposition à La BF15 et parlent de l’avenir.
Vendredi 29 mars 2019
Les expositions s’enchaînent : ce soir Damien et Nicolas sont au vernissage de Lignes de vies – une exposition de légendes au MAC VAL de Vitry-sur-Seine. Franck Lamy y inaugure une exposition ambitieuse sur la biographie de l’artiste comme gisement et/ou vecteur créatifs. Les contrats de cession des droits patrimoniaux de Ludovic Chemarin prêtés par le FRAC Poitou-Charentes sont avantageusement disposés en vitrine. La soirée, longue et joyeuse, fournit l’occasion de retrouver d’autres artistes et des commissaires d’exposition autour de nombreux verres. Nicolas passe un long moment avec l’écrivain Philippe Vasset avec lequel il a déjà collaboré, et l’intéresse au projet.
Le retour vers Paris est un peu chaotique, à cinq dans la voiture du collectif Art Orienté Objet qui cherche son chemin tandis que s’engagent des conversations sans fin, diverses et simultanées.
Vendredi 24 mai 2019
Première rencontre de Nicolas avec l’illustratrice Laura Kopf, le matin, dans un café du 11e arrondissement de Paris. Il apprécie beaucoup son travail, très original : la mise en espace à la manière de petites scénettes comme dans les peintures surréalistes, les gammes de couleurs sophistiquées et assorties de jeux d’ombres portées, ainsi que la technique singulière qui mixe les effets numériques. Et les références, aussi, à l’histoire de l’art, en particulier à la peinture. Nicolas a proposé à Damien que Laura rejoigne l’équipe. Ce dernier a tout de suite accepté. La discussion avec Laura est dense et puissante, variant des frontières entre art et illustration, à la question de l’artiste versus l’illustrateur. Dans un angle du café, une immense plante kentia apporte sa caution bienveillante à l’entretien. Les bases sont posées, partagées et agréées. Un diner avec Damien, des échanges par messagerie et un protocole devraient finaliser la collaboration avec, en point de mire, l’exposition aux Tanneries en octobre.
Mardi 11 juin 2019
Ludovic Chemarin a rendez-vous avec Pierre David à l’initiative de LC©. A été commandé à Pierre un grand portrait du Ludovic d’aujourd’hui, dessiné de façon réaliste à la pointe sèche sur feuilles d’argent, et ce, dans le cadre d’une série que Pierre a initiée pour son propre compte : « La communauté ». La procédure est simple : une commande est passée et, si elle est acceptée (au coût de 1000 €), il faut participer à une séance photo afin de fabriquer la matrice du dessin qui constitue l’œuvre finale.
Samedi 22 juin 2019
Nathalie, Christophe et Nicolas prennent le train pour visiter le centre d’art contemporain Les Tanneries et vernir l’exposition d’Anne-Valérie Gasc. C’est l’occasion de se confronter à nouveau à l’échelle du lieu, de visiter le parc et la végétation en été, de discuter des derniers arbitrages et de se projeter dans les différentes propositions afin d’en évaluer les contraintes. Christophe mesure la réverbération de la nef en béton. Nathalie imagine la biographie au sol… Mais elle sera bien verticale et barrera l’espace en diagonale. Long retour dans un tortillard qui laisse le temps à la discussion vagabonde entre les trois amis.
Vendredi 5 juillet 2019
Rue Notre-Dame-de-Nazareth. Damien et Nicolas ont rendez-vous dans un restaurant avec Michèle Didier pour faire le point sur leur collaboration. Les deux artistes appréhendent la rencontre car les rapports avec la galeriste ont été récemment compliqués voire désagréables. Incompréhension mutuelle, attentes déçues, reproches : les relations professionnelles entre artistes et galeristes ainsi que les relations interpersonnelles entre caractères bien trempés s’organisent pour le meilleur souvent, et pour le pire parfois – mais pas cette fois-là. Après la revue des enjeux de la collaboration, chacun fait un pas vers l’autre. Damien et Nicolas reconnaissent et louent l’engagement de la galerie vis-à-vis de LC©. Ils ne feront cependant aucune concession qui puisse brider le plaisir et la convivialité qui participent de l’existence de Ludovic Chemarin©, ni aliéner leur indépendance vis à vis des stratégies carriéristes voire belliqueuses qui ont cours sur le marché de l’art. Tous ont déploré que l’exposition de l’hiver dernier ait pâti des tensions sociales parisiennes liées au mouvement des Gilets jaunes : la rue Notre-Dame-de-Nazareth était fermée tous les samedis à la circulation. Les colonnes de fourgons de CRS envahissant la chaussée et le fracas des émeutes ont détourné les visiteurs et les collectionneurs : la visibilité de l’exposition en a peut-être été affectée.
Laura Kopf rejoint Damien et Nicolas dans un petit et bruyant restaurant parisien. Il s’agit de dessiner les contours de l’invitation à l’illustratrice au sein du projet pour le centre d’art contemporain Les Tanneries. Damien rencontre pour la première fois Laura. Cette dernière valide sa participation. Le moment – comme souvent avec les co-auteurs arrivants – est important et émouvant : les trois artistes scellent un pacte et le début d’une aventure dont aucun ne connaît les limites. La soirée se termine dans un bar à cocktails bien plus calme, au rythme d’une programmation rock garage et de discussions de peinture.
Samedi 6 juillet 2019
Damien et Nicolas se rendent à Amilly. Une voiture les attend à la gare de Montargis avec pour destination le centre d’art contemporain Les Tanneries. Une longue séance de travail est programmée avec le directeur des lieux, Éric Degoutte et son régisseur Julien Crochard. Ce voyage est indispensable pour caler la première exposition du mois d’octobre (parmi les trois dans l’année à venir) et trancher les questions techniques et budgétaires. Un repas dans les jardins du centre d’art agrémente la journée. L’ambiance est studieuse mais décontractée. Les problèmes se règlent les uns après les autres. Il reste beaucoup de choses à faire et surtout à construire du point de vue matériel mais la confiance qui s’est installée augure au mieux. Chacun est intéressé et engagé dans sa partie et tous assument l’ambition du projet. Le retour, comme l’a été l’aller, est propice aux échanges fructueux, aux esquisses et aux prises de décision.
Mardi 10 juillet 2019
Émeline Jaret, Nathalie Leleu et Nicolas se retrouvent dans un café du 20e arrondissement de Paris pour discuter kentia, éditions, Philippe Thomas et Marcel Broodthaers et de bien d’autres choses. Susciter des rencontres autour du projet constitue la vocation souterraine de LC©. Émeline avait invité LC© à la galerie mfc-michèle didier il y a déjà quelques années. Nathalie écrira un texte piquant sur la présence de la plante dans l’histoire de l’art. Émeline précisera la fonction du kentia dans l’œuvre de Philippe Thomas.
Mardi 16 juillet 2019
Nicolas est à Lyon avec Damien : ils en profitent pour aller réceptionner le portrait de Ludovic commandé par LC© auprès de Pierre David. Ils sont impatients et curieux de découvrir cette œuvre qui n’est pas labélisée LC©, mais qui, par capillarité, deviendra un élément du dispositif. La transaction se poursuit autour d’un verre dans un bistro voisin. Le soir, ils dînent dans un bouchon avec l’éditrice Aurélie Noury et affinent le projet d’édition lié au kentia qu’ils préparent ensemble pour les éditions Incertain Sens.
Dimanche 25 août 2019
Damien invite Ludovic et sa famille pour un déjeuner à la campagne. Les relations sont toujours aussi amicales. On parle cuisine, maison, bricolage. Ludovic travaille en ce moment pour la Biennale d’art contemporain de Lyon comme régisseur-adjoint : c’est naturellement un sujet de discussion. Damien en profite aussi pour prendre des photos de Ludovic de face et de dos – on ne sait jamais.
Dimanche 25 août 2019
Damien invite Ludovic et sa famille pour un déjeuner à la campagne. Les relations sont toujours aussi amicales. On parle cuisine, maison, bricolage. Ludovic travaille en ce moment pour la Biennale d’art contemporain de Lyon comme régisseur-adjoint : c’est naturellement un sujet de discussion. Damien en profite aussi pour prendre des photos de Ludovic de face et de dos – on ne sait jamais.
Vendredi 4 octobre 2019
La dernière main est apportée à l’installation de l’exposition de Ludovic Chemarin© au Centre d’art contemporain Les Tanneries à Amilly. La structure centrale en bois était déjà construite quand Damien et Nicolas sont arrivés au début de la semaine pour commencer l’accrochage. Les autres éléments de contreplaqué bakélisé (tables et assises) restaient à profiler et à ajuster pour intégrer un pilier ou accueillir les plantes kentia.
Les supports de communication sont installés dans les espaces. Un choix décisif a été fait quelques semaines plutôt : pas de texte de présentation du projet en ouverture de l’exposition, plutôt une affiche-programme dédiée aux prémices du projet et reproduisant la correspondance de Ludovic Chemarin© avec Éric Degoutte, le directeur du lieu. Un dépliant descriptif avec un plan destiné à la visite l’accompagne.
Samedi 5 octobre 2019
Nicolas et Damien — ainsi que Ludovic Chemarin en personne — vernissent aux Tanneries la nouvelle exposition de Ludovic Chemarin© intitulée Benoît, Christophe, Delphine, Gaël, Laura, Nathalie, Olivier. De ces derniers, tous sont présents à l’exception de Christophe, retenu ailleurs. Leur contribution au projet Ludovic Chemarin©, dans son principe et dans ses résultats, constitue le fil rouge de ce nouvel épisode. Les oeuvres exposées dans la Grande Halle des Tanneries (1 500 m²) doivent à chacun quelque chose : image, son, mot, forme et matière.
Une sorte de complétude qui satisfait les deux artistes, artisans de ces rapprochements qui ont parfois abouti à des fusions. L’immense palissade de 27 m qui court sur la diagonale du bâtiment capture dès l’entrée le regard du visiteur. Au recto, Total Recall, 72 324 signes (espaces compris) (le feuilleton biographique du projet Ludovic Chemarin© articulé par Nathalie et donné comme expérience artistique en soi depuis mars 2017) déroule ses feuillets sur les panneaux de contreplaqué. Certains visiteurs attaquent la biographie par le début, c’est-à dire la première des seize affiches hautes de 1m90 et larges de 1m40. Vers la fin de Total Recall, 72 324 signes (espaces compris) (2019), sur la droite, un élément entre le banc et le podium avec trois plantes kentia au centre donne la tonalité du design matériel de l’espace : forme circulaire et couleur profonde déroulent le temps long de la déambulation. Au verso de la palissade se déploie sur toute la longueur de la structure les dix- huit affiches (de mêmes dimensions que la bio) composant Kentia, cet obscur objet…, où la plante fétiche de Marcel Broodthaers et Philippe Thomas intègre le catalogue des motifs propres à Ludovic Chemarin© revisités par Laura.
La composition visuelle relève d’un style inédit, voire iconoclaste, dans la production de Ludovic Chemarin©. En tout, texte et images adossés tirent parti du gigantisme du support dans un flot consistant et ininterrompu de données. Le contournement de la palissade donne à voir le second segment de la halle où sont rassemblées la majorité des oeuvres de l’exposition. La scénographie ménage beaucoup de vide dans l’espace pour mieux concentrer le regard sur les oeuvres et les lier visuellement les unes aux autres. À gauche, les « histoires atmosphériques » (Ludovic Chemarin copyright, qui suis-je ?, 2019) issues de la collaboration de Christophe et d’Olivier suite à l’édition Moments et de la performance à La BF15. À écouter assis ou debout sur une grande plateforme qui, comme tous les autres modules, se plait à utiliser l’espace vide autour d’elle pour générer de l’empathie et susciter l’adhésion. La première écoute n’est jamais définitive : revenir à quelques détails, changer de position, regarder, en écoutant, les autres oeuvres peut tout changer. Au milieu de l’espace, les trois portraits de Ludovic Chemarin enfant (sur fond bleu, sur fond vert et sur fond gris, 2018) par Gaël disposés en croix dont la base centrale est légèrement surélevée.
Ce mode de présentation rappelle celui adopté depuis toujours par les bibliothèques pour leurs livres précieux, où l’ouvrage vient à la rencontre de celui qui le regarde, penché. Au fond et au-dessus, l’écran sur lequel est projetée la vidéo de Benoît documentant la préparation du portrait photographique de Ludovic Chemarin le 18 juillet 2014 (Transformation, 2016).
À droite, sont disposées sur un podium les Interprétations en céramique de l’oeuvre de Ludovic Chemarin par Delphine : des petits objets qui s’étalent de façon désordonnée sur la surface, sous l’ombre insolite d’une plante kentia. Le visiteur a d’abord (ou ensuite) vu, dans le lieu d’accueil du centre d’art, le portrait de Ludovic Chemarin par Pierre David, qui n’est pas un contributeur de Ludovic Chemarin©. Pierre a répondu à une commande de Ludovic Chemarin©. Il s’agit d’une toute nouvelle voix ouverte dans le projet Ludovic Chemarin© qui trouve dans cette exposition le moyen de s’exprimer pour la première fois. Benoît, Christophe, Delphine, Gaël, Laura, Nathalie, Olivier est la première exposition d’une série de trois invitations de Ludovic Chemarin© dans la même saison des Tanneries sur le thème de la « figure ».
Le portrait de Ludovic Chemarin apparaît sur l’affiche ; jamais le centre d’art n’a accordé à un artiste une telle latitude. Damien et Nicolas sont conscients de la confiance et de l’investissement engagés. Il y a eu quelques vagues au moment des discours du maire d’Amilly, Gérard Dupaty, et du sénateur du Loiret, Jean-Pierre Sueur. Ce dernier a posé un regard critique sur l’exposition d’Éric Baudart qui se déroule au premier étage, provoquant quelques émois dans la salle. Ces derniers ont muté en conversations passionnées entre les commensaux du dîner de vernissage dans l’accueil du centre d’art. Les Tanneries savent accueillir : c’est l’évidence. L’amabilité de l’équipe n’a d’égal, ce soir, que le buffet, où tout est fin et bon. Plusieurs contributeurs à Ludovic Chemarin© se rencontrent ce soir pour la première fois, et certains d’entre eux retrouvent autour de la table de vieux compagnons de route perdus de vue, présents parce qu’ils sont passés ou passeront par Les Tanneries. Au travail se conjugue la fête, qui se poursuit dans la résidence autour de quelques bouteilles.
Les Tanneries ont invité tous les artistes et les contributeurs à passer la nuit à Amilly ; pour certains, dans la résidence donc, flambant neuve, en lisière du centre (confortable mais sonore); dans une maison ancienne du bourg, restée dans son jus des années 1960, pour les autres.
Samedi 16 novembre 2019
Damien et Nicolas retournent aux Tanneries pour une présentation de l’exposition au public.
Ils ont apporté un gâteau à partager avec le café pour bien débuter l’après-midi. Les deux artistes ont sollicité une réunion, avant la visite, avec les équipes du centre d’art et son directeur : il s’agit de préparer les deux expositions suivantes de Ludovic Chemarin© programmées dès le début d’année prochaine. La première, en février, sera autour de Damien et Nicolas, et la seconde, en mai, autour de Ludovic. La séance de travail se déroule dans une atmosphère étrange, entre l’excitation de faire découvrir le projet volontairement tenu secret jusqu’ici et la crainte de décevoir ou d’être dans l’obligation de revoir la copie. Le projet est complexe et peu conventionnel, mais il est accepté dans les grandes lignes. L’accueil du centre d’art est réagencé pour constituer un espace convivial et de proximité avec les dix personnes présentes pour la présentation. Damien est, comme souvent, l’unique orateur, Nicolas se réservant le domaine de l’écrit. Il s’est fondu dans l’auditoire et prend des photos. La présentation n’est pas un monologue mais plutôt un échange avec Éric Degoutte. La discussion est pointue et traduit bien les enjeux du projet artistique. Tous les sujets sont abordés : le statut de l’auteur, la question de l’auteur multiple, l’histoire de Ludovic, le Ludovic d’aujourd’hui, l’économie de l’art et de l’artiste, l’artiste et l’institution…
Le retour en train est, comme souvent, le moment de prendre des notes et des décisions afin de fixer la feuille de route des prochains mois.
Samedi 1er février 2020
L’année 2020 commence un mois après le Jour de l’An pour « les chemarins » – comme disent maintenant les équipes des Tanneries – avec le vernissage de l’exposition Damien et P. Nicolas. Ludovic Chemarin© revient au centre d’art loirétin dont il investit cette fois l’accueil. Ce dernier est l’épicentre d’interventions qui se diffusent dans plusieurs lieux.
L’invitation des Tanneries à LC©, programmée du 1er février au 28 juin 2020, a été prolongée jusqu’au 30 août suite aux perturbations causées par un visiteur intempestif appelé successivement Coronavirus, Covid et Covid-19.
Les deux artistes s’exposent pour la première fois en nom propre, avec malice et discrétion. L’enjeu de cette nouvelle proposition : recycler l’ensemble de l’exposition précédente de manière plus ou moins explicite au fil de la déambulation.
Le deuxième volet s’inscrit parfaitement dans la pratique de Damien et Nicolas qui ont pour habitude de revenir sur le passé pour en donner un récit alternatif et faire du présent une fiction ancrée dans la réalité.
Les grands panneaux de bois qui trônaient dans l’espace imposant du rez-de-chaussée se trouvent maintenant à l’étage du centre d’art, remisés dans l’attente d’une autre destination. Du haut de l’escalier métallique on peut voir, parmi plusieurs amoncellements, la face d’un panneau affichant une illustration de Laura. Sur le mur d’en face, une page de la biographie de Nathalie est encore visible. Tous témoignent de l’exposition passée et en constituent les traces mémorielles. La pièce musicale de Christophe et Olivier flotte agréablement dans l’espace.
Dans la cour, un prétexte de sculpture domine le spectateur de sa masse pompeuse voire ronflante, qui résulte de l’empilement des assises et des plateaux en panneaux de coffrage de l’exposition précédente.
Dans l’espace d’accueil, le portrait de Ludovic Chemarin par Pierre David est accroché au mur, à la même place qu’auparavant. Se retrouve dispersé ça et là un reliquat d’œuvres ou d’éléments scénographiques, réduits au simple statut d’objet commun ou décoratif : une peinture de Gaël, des céramiques de Delphine, la vidéo de Benoît, un miroir et des plantes – des kentias, bien évidemment. Quelques autres reliques sont parvenues dans les bureaux administratifs et sont donc inaccessibles au public.
Un support de communication reproduit un extrait inédit de la biographie : il relate la première exposition qui vient de s’achever aux Tanneries. De registre de consignation des faits, d’interactions et de réflexions de Ludovic Chemarin©, la biographie est devenue un élément pleinement performatif de l’œuvre de LC© et intervient désormais sur tous les fronts de son activité.
Lundi 27 février 2020
Ludovic est à Lyon : c’est l’occasion d’un déjeuner avec Damien au restaurant. C’est aussi le moment de parler du « temps 3 » au centre d’art des Tanneries où il est invité à réaliser une œuvre pour Ludovic Chemarin©. Il est important de noter que Ludovic devient ainsi coauteur au sein du collectif qui lui a acheté, neuf ans plus tôt, son nom comme marque et ses droits patrimoniaux.
Vendredi 6 mars 2020
Ludovic Chemarin© est convié à la cinquième édition du festival Livres, justice et droit à la faculté de Droit de Toulon. Cette manifestation permet la rencontre de professionnels du droit et de la justice : universitaires, avocats, huissiers de justice, magistrats, policiers, etc. Les organisateurs sont tout à fait favorables à l’apport d’un éclairage inattendu sur la pratique du droit. La table ronde à laquelle participe LC© a pour intitulé « L’art et la transmission ». Olivier Moussa, invité en qualité d’avocat et de conseiller juridique de l’artiste, est bien plus à l’aise dans cet environnement que Damien. Ce dernier présente et commente le projet artistique (et non moins juridique) devant un public attentif et réceptif.
Lundi 21 septembre 2020
La troisième exposition de Ludovic Chemarin© aux Tanneries approche et débute par une semaine d’accrochage. Ludovic était engagé pour ces cinq jours de travail, mais il a été contraint de se dédire au dernier moment pour assurer la garde de son fils. Il suit à distance la réalisation de l’œuvre qu’il a co-créée avec Damien et Nicolas.
Nicolas est présent le premier jour du chantier pour la mise en place des pièces dans le parc avec Damien. Ce dernier supervise leur installation pendant toute la semaine.
Pour répondre aux besoins de production, le centre d’art a loué une pelleteuse ; le sol est résistant, les manœuvres sont complexes et les opérations durent plus longtemps que prévu. S’ajoutent à cela d’autres aléas. En résumé, rien n’est simple (comme d’habitude).
ETC.
Ludovic Chemarin© Total Recall, 112 398 signes (espaces compris). 27/01/2010 – 22/01/2022 – Biographie est édité par Manuella Éditions et disponible ici.